En 1982, j’avais 7 ans. Je venais de découvrir le foot un an plus tôt. J’étais gaulé comme une feuille morte. J'étais l'attaquant feuille morte de l'équipe des poussins de mon quartier. Comprenne qui pourra. Rapide, véloce et teigneux, mais pas technique pour deux sous, je devins néanmoins par la suite un bon buteur. Je n’étais pas trop sociable, évidemment et croyez-le ou non, le sport n'a rien amélioré, bien au contraire - mais ce n’est pas le sujet, on s’en fout. [si on ne s'en fout pas, dites-le, ça fera bien l'objet d'un billet ultérieur]
Le premier souvenir qui me vient de la coupe du monde 1982, c’est – je suis désolé de le dire – celui qui me ramène tout entier à Naranjito. Naranjito est une orange. Ou une clémentine peut-être, à moins qu'il ne s'agisse d'une mandarine. Ou d'un pamplemousse atrophié. Bon, c’est un agrume disons, un agrume espagnol. En tout cas, Naranjito est davantage que cela. Naranjito est la mascotte officielle de la coupe du monde 1982. Pour l'éternité.
Le premier souvenir qui me vient de la coupe du monde 1982, c’est – je suis désolé de le dire – celui qui me ramène tout entier à Naranjito. Naranjito est une orange. Ou une clémentine peut-être, à moins qu'il ne s'agisse d'une mandarine. Ou d'un pamplemousse atrophié. Bon, c’est un agrume disons, un agrume espagnol. En tout cas, Naranjito est davantage que cela. Naranjito est la mascotte officielle de la coupe du monde 1982. Pour l'éternité.
Avec le recul, je me demande ce qui a bien pu passer par la tête de ses concepteurs. Qui sont-ils déjà ? Des petits gars un peu beurrés du service marketing de l'Espagne ? Une orange pour mascotte, cela ressemble tout de même, de près comme de loin, à ce qui se fait pire en termes d'idée à la noix. Essayez de trouver plus con. [j'attends]. Vous n'y arrivez pas ? c'est normal ! Plus con, y a pas. Mettez-vous à la place d'un gosse ? Une orange, qu'est-ce que ça a de sympa ? Quel gosse (excepté un gosse très perturbé) pourrait avoir envie d'être pote avec une orange ? Qu'est-ce qui pourrait vous pousser, même en cas de grosse déprime, à faire des confidences à une orange, vous, en gosse, ou à une mandarine, ou à un pamplemousse nain. Quel enfant, sain de corps comme d'esprit, partagerait spontanément son goûter avec une orange ? Personne.
D’habitude, les mascottes sont des animaux ou tout du moins des créatures qui y ressemblent - même très vaguement, si l'on pense aux trois épouvantables mascottes de la coupe du monde 2002 (la pire de l'Histoire à tous les égards donc), organisée par la Corée du Sud et le Japon - en tout cas des êtres doués de mouvement, avec qui l'on peut imaginer se sentir bien, partager des choses. Bien sûr, chacun sait que les coqs (je pense à Footix et à Jules, les ridicules et plus-pathétiques-tu-meurs mascottes de la coupe du monde 98 et de l'Equipe de france de la même année) ne peuvent pas plus jouer au football qu'une orange, mais au moins, ils sont capable de mouvement. C'est déjà ça, convenez-en ! Là, non, la mascotte était une orange, autant dire un légume à l'encéphalogramme plat, enfin, un agrume. Un agrume tuné bien sûr, tout orange, cela va de soi, mais aussi toutes options, ce qui est moins habituel, doté de pieds, de jambes, d'un équipement plus que douteux et de deux petites pommettes toutes rondes et toutes rouges, réunies par un sourire trop franc pour être sincère. C'était absurde. Une orange ! Et pourtant, tous ceux qui furent gosses en 1982 se souviennent de Naranjito comme ils se souviennent du dessin animé dont il était la vedette. Naranjito est - c'est absurde mais absolument vrai - la mascotte la plus célèbre de toutes les coupes du monde. De très loin, toutes catégories confondues.
On doit la première mascotte de l’Histoire à l’Angleterre pour l'organisation de la coupe du monde 1966. World Cup Willy était un lion portant un maillot aux couleurs de l’Union Jack. Qui s'en souvient ? Personne [je sens que quelqu'un va s'empresser de prétendre le contraire mais ça ne tient pas, je vous le dis tout de suite] !
La mascotte de la coupe du monde mexicaine 1970 s’appelait Juanito. Juanito était un petit gros en maillot vert qui semblait avoir la mauvaise habitude de manger trop de fajitas à la cantine. Regardez son petit bidon qui déborde de son t-shirt. Subtile Surprise : le petit mexicain portait un sombrero sur la tête. Qui se souvient de lui, à part les passeurs alcoolos de Tijuana ?
En 74, les allemands conçurent deux abominables moustachus tout droit sortis d'une retransmission de l'Eurovision : ils s'appelaient Tip et Tap. Alors là, j'en suis sûr, personne ne peut s'en souvenir.
[On continue ?]
1978, maintenant. 1978 ne compte pas pour ainsi dire. On aurait pu créer toutes les mascottes de l'univers, rien n'aurait pu occulter la triste réputation du régime argentin de l'époque. Tout fut fait pour que l'équipe nationale remporte sa coupe du monde. Sans suprises, elle la remporta, avec au passage un match puant l'arrangement entre amis (Argentine-Pérou : 6-0). L'Argentine de 78, c'était celle de la junte militaire du funeste Général Videla, les disparitions d'opposants politiques sur lesquelles personne n'enquêtait. Les jours de match de l'Argentine, des hélicoptères sillonnaient sans cesse le ciel. Mon grand-père avait dit, lors du match France-Argentine : "si l'Argentine perd, l'hélicoptère descendra sur le terrain, ils fusilleront tout le monde". L'Argentine l'avait emportée bien sûr. Mon grand-père avait le chauvinisme léger et plein d'humour. Bref, Argentine 78, répression à tous les étages. Personne ne se souvient plus de la petite mascotte inoffensive de l'époque, Gauchito, un petit gars à mèche en maillot albicéleste.
Reprenons. En 86, le Mexique organise encore la coupe du monde et choisit d’imiter l’Espagne de 82. En guise d'orange, on se coltine un piment sympatoche coiffé d’un sombrero qui s'appelle Piqué. Qui s'en souvient ? Pas moi. J'avais 11 ans. Un piment...
L’Italie de 1990 conçut quant à elle une sorte de bonhomme tricolore dont la tête était un ballon. Et les mascottes oubliées continuèrent de fleurir les allées du cimetière des mascottes au rebut. En 1994, les Etats-Unis eurent un chien. En 98, la France engendra deux coqs (voir plus haut). En 2002, trois créatures flasques de mangas essayèrent de nous la faire. En 2006, l'Allemagne nous refit le coup du lion anglais - mais un lion bizarroïde qui ressemblait en fait à un vieux fauve sans dents(Bismarck de retour des Enfers). Et pour la prochaine coupe du monde, l'Afrique du sud s'est affublée d'un léopard à la crinière verte, en retard de quelques décennies sur les looks à la mode. Son marbre l'attend déjà, allée D, emplacement 23.
Naranjito, une simple orange, clémentine, mandarine, pamplemousse dégénéré, a vaincu le monde et nos souvenirs. C'était là le marketing minimal de l'année 1982. Aujourd'hui, on ne peut plus ouvrir une boite de céréales, un paquet de gateaux, une canette de coca-cola, une bouteille de bière, un flacon de lessive, un lot de sous-vêtements sans découvrir le descriptif d'un jeu concours pour gagner des places pour la finale de la prochaine coupe du monde, des photos des joueurs qui composent l'Equipe de France ou des ballons de plage. Malgré cet effort, toujours plus constant, toujours plus appuyé, toujours plus soutenu du grand Capital, Naranjito-l'ancien attend toujours la mascotte qui la fera sombrer dans l'oubli.
Cette survivance persistante de ce qui n'est qu'une orange a de quoi surprendre et cela en dit nécessairement beaucoup sur l'inconscient humain, bien davantage que tous les complexes d'Oedipe du monde réunis. Oui, cela en dit nécessairement beaucoup. Reste à savoir quoi ?
Harald
12 commentaires:
C’est vrai ça, pourquoi une orange, et pas une tomate ou un fraise ? Ou de la horchata de chufa ?
"La terre est bleue comme une orange." (Yohann Eluard Cruyff)
L'orange, je croyais que c'était en hommage à Pelé ?
En tous cas ton commentaire ne manque pas de jus et u n'as pas fait de quartier à ces pauvres mascottes.
Il y avait aussi Nik, Ato et Kaz, genre manga, pour la Corée-Japon 2002.
Le lion Goleo 06 pour le tournoi allemand de 2006
Et le dingo Striker pour les USA 1994.
Au fait, pour l'AFSUD 2010, il s'appelle ZAKUMI. Un surnom aussi inoubliable que celui de ses prédécesseurs.
Duga
Bal,
Surtout, pourquoi ça nous fascine tant ? Y avait-il des images subliminales dans le dessin animé de Naranjito ?
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Christophe,
Oui, l'inconscient, qu'est-ce que je disais...
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Duga,
Ah bon, Pelé ? Pourquoi ? Comprends pas là.
Les mascottes nippones et sud-corréennes sont les pires de toutes. Comme je le dis et le pense, cette coupe du monde de 2002 fut la pire de l'Histoire. En partie à cause du calendrier avancé, pour cause de saison des pluies. Tout le monde était rincé. Une coupe du monde pour rien, dans un pays qui n'est pas un pays de football.
Bon, ce fut la coupe du monde du marketing justement...
Pelé...une orange
Jus... d'orange
Quartier...d'orange
Revenons sérieux.
Pour le choix des pays, on peut voir ça de 2 façons. On choisit un pays
- où le football est déjà populaire et on est assuré du succès immédiat
- où le football est marginal et on fait la promotion de ce sport en vue d'éventuels succès futurs.
Faut aussi prendre en compte des considérations géo-politiques, des considérations électorales en ce qui concerne la ré-élection du président de la FIFA, etc...etc...
De toutes façons, des Jeux Olympiques aux Coupes du Monde de Football, tout est désormais affaire de marketing et/ou de géopolitique.
Est-ce que tu crois que la coupe 2010 va faire en sorte que le foot supplante le rugby en AFSUD ?
Duga
Peau d'orange
Non, je ne crois pas. Je sais que pour les Jeux, c'est pareil, mais les Jeux sont omnisports, ce qui fait que - de quelque point de vue du globe qu'on se place - on finit toujours par tomber sur des spécialités maison...
Selon moi, ce n'est pas tant un problème de succès de la compétition que de l'organiser dans un pays culturellement attaché à ce jeu. A mon avis, comme on l'a vu en Allemagne en 2006, ça change tout.
Le hic, comme tu le soulignes, c'est que les exigences financières sont telles qu'il est impossible aujourd'hui pour un petit pays d'organiser la compétition.
L'UEFA pour le championnat d'Europe intervient plus en soutien des candidats. C'est elle qui organise sur le sol du pays choisi. C'est ce qui permet à l'Ukraine d'organiser la compétition. la FIFA est plus distante vis à vis de l'organisation.
Il faut des stades high tech, remplis, un accueil parfait des touristes, des loges...blablabla...
L'Allemagne était déjà un pays acquis au football. A part la rénovation des stades, l'attribution de la Coupe du monde n'a pas beaucoup changé le statut du foot dans ce pays.
Pour la Coupe du Monde, c'est la FIFA qui décide.
Duga
"L'Allemagne était déjà un pays acquis au football. A part la rénovation des stades, l'attribution de la Coupe du monde n'a pas beaucoup changé le statut du foot dans ce pays."
Ben oui, mais tout dépend de ce que l'on veut, Duga. Mondialiser toujours plus le jeu (comme on évangélise les masses) ou privilégier les pays dans lesquels il est ancré culturellement.
Il ne s'agissait pas de changer le statut du foot allemand, mais d'apprécier une compétition qui a une vraie signification pour une population qui connait le jeu et son Histoire.
Par exemple, on ne joue pas au cricket, et c'est très bien comme ça, pourquoi vouloir à tout prix intégrer (par souci d'exotisme ?) des pays qui auront toujours des siècles de retard sur la culture du jeu ? Pour rendre ces pays un tant soit peu compétitifs d'ailleurs, bien souvent, les fédérations dépêchent des techniciens européens ou latino-américains... A quoi ça rime ? Je trouve cela assez condescendant en plus...
En Europe, c'est pareil, on passe à 24 équipes. ça nivelle le jeu vers le bas... A quoi ça rime ?
Tu as raison.
On nivelle le jeu vers le bas mais on espère niveler les recettes par le haut. Dans cette affaire, le foot en tant que pratique sportive, n'est qu'un prétexte.
Les véritables organisateurs de toutes ces compettes, c'est Coca-Cola, MasterCard, Gillette, Carrefour et compagnie. C'est du business avec un ballon.
Heureusement pour nous, il nous arrive pendant 90 mn de faire abstraction de tout ça et d'apprécier le geste sportif dans ce qu'il a de plus pur.
Et après ça, certains (pas moi-je déteste) s'enfilent un Coca en toute innocence.
Duga
ah, toi aussi tu es si vieux que ça (que Pat), bon, je propose comme prochaine mascotte, au hasard, une pomme à la Magritte...
Lucia,
Bonne idée, mais faudrait que la coupe du monde se déroule en Belgique, et la Belgique a tendance à rétrécir après passage en machine...
Duga,
J'avoue tout...
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