vendredi 4 juin 2010

Manuel d'intégration footballistique à l'usage des récalcitrants



La Coupe du Monde va bientôt commencer et, pour beaucoup,  il va falloir faire des efforts pour se motiver. En effet, certains concitoyens, à l’heure actuelle, manquent curieusement de conviction, d’entrain, je le vois bien et c’est un signe inquiétant. Ceux-là s’angoissent, à juste titre, car ils prennent un retard préoccupant dans le travail d’enthousiasme général. D’autres sont tentés par le démon de l’indifférence, d’autres par le désespoir du sarcasme, je constate cela et je le prends pour autant d’appels au secours.  Je vais vous aider. Je ne vous laisserai pas au bord du chemin.

Car on connait bien ce qui attend les retardataires, les déserteurs, les démobilisés : ostracisme, sentiment de honte, isolement, désocialisation ;  l’a-coupe-du-mondisme peut avoir des conséquences dramatiques, et je pense notamment aux plus fragiles. Rentrer dans le rang n’est pas facile, et je vais tendre une main à ceux qui veulent s’en sortir.

Comprendre vos difficultés

Certes, s’intéresser à un match Honduras – Suisse, louer le jeu somme toute intéressant des Serbes, avec leur nom tous pareils (Vidic, Zigic, Stankovic, Asteric, Obelic, Assurancetouric)  peut sembler au dessus de vos forces. Je vous comprends. Moi-même je n’y connais nibe en football, et parfois, je dois donner le meilleur de moi-même pour m’immerger dans ces 64 matchs qui vont aboutir au nouvel ordre mondial du foot. Je vais partager avec vous quelques astuces pour plonger dans le grand bain sans vous hydrocuter au niveau du vécu, puiser au fond de nous-même et corriger le tir.

L’approche par les bleus

La France compte sur eux : les bleus c’est une franchise qui vend du rêve [relisant cette phrase après la défaite face à l’équipe B chinoise ce soir, je me fais rire moi-même]. Souvent, en temps normal, on a des bleus light, la version gratuite, avec des sports accessoires, parce qu’il faut bien qu’ils existent, genre le hand-ball, le rugby, le bateau à voile, le sport féminin. Là, nous avons les Bleus, les vrais ; c’est un peu notre Amour-Gloire-et-Beauté à nous. Quand on a suivi le feuilleton depuis longtemps, on a du mal à lâcher la série en route. Certes, après Platini, Zidane,  c’est un peu suivre « Urgences » suite au départ de Georges Clooney, c’est Happy Days sans Fonzie, Dexter sans Michael C Hall, c’est Gérard le Grand Frère, mais tout de même, nous avons envie compulsivement de voir la suite. Jason va-t-il tromper pour la première fois Jenifer ? Anelka va-t-il tromper pour la première fois un gardien ? Il faut voir les bleus comme un drame antique, pouvant éventuellement se muter en Max Pécas sans prévenir.

Et si les bleus sont éliminés ?

La fibre patriotique, la cohésion sociale, le moral des français, l’industrie des écrans plats comptent sur les bleus et sur nous. Mais que faire de notre bonheur embryonnaire si au bout de trois matchs les français sont éliminés ? Il faut pratiquer le supporting relai, trouver une autre équipe à suivre rapidement. Comme après une chute de vélo, il faut remonter sans attendre, pour ne pas céder à la mélancolie. Quand les Italiens éliminent les français, ce sont des enculés, quand les Sénégalais gagnent en 2002 au premier match, on va « les suivre jusqu’au bout et être leurs premiers supporters ». La Francophonie est une bonne technique de dérivation. Selon la chance et les générations, en théorie, on peut suivre la Belgique, quand ils sont qualifiés, mais soyons sérieux : on préférera le Cameroun d’Eto’o, la Côte d’Ivoire de Drogba, la Suisse de… bref, vous m’avez compris.

Les grands de ce monde

Une autre technique pour allumer la flamme du désir sans risque est de s’enthousiasmer pour un portefeuille de grandes équipes. On en prend quatre ou cinq : sur le tas, on en trouvera bien une qui ira loin, et le moyen d’être content. Il y a le choix pour effectuer son placement, par exemple quelques ultra-favoris qui se font éliminer malgré tout (Brésil, Argentine, Espagne), des valeurs sûres qui gagnent une fois sur deux (Allemagne, RFA, Bayern de Munich, etc). On complète le tout avec un placement risque d’un bon favori qui ne gagne jamais, éternellement. Le Portugal par exemple, parce qu’on a toujours un copain ou un collègue portugais qui se transforment en Droopy après y avoir cru à fond, du fond du coeur, et qui est triste comme la pierre, en plus de supporter le PSG pendant toute l’année.

Au portefeuille des favoris, on ajoute souvent un anti-placement, une équipe pour laquelle on est absolument contre : l’Italie, par exemple, ou les américains. Ou, si on est un anti-foot impertinent : la France, qu’on va contre-supporter avec ostentation, comme on fête les mères le samedi, et le lundi de pentecôte un mercredi, et le nouvel an en février, par indépendance d’esprit. Attention : en ce moment, contre-supporter la France, c’est comme supporter l’Argentine : ce n’est pas très osé non plus.

Le petit poucet

Technique très française, la technique du petit poucet est l’opposé de la précédente : il faut supporter l’équipe la moins armée en espérant un jeu de massacre parmi les ténors, genre Quevilly. Il faut en changer souvent, car le petit poucet à tendance à se faire éradiquer très vite. C’est l’aubaine pour les bleus : vu le niveau actuel, le petit poucet nain homme tronc, et si c’était nous en fin de compte ? Nous, les vaillants petits CFA du football mondial, les adorables pieds carrés avec un cœur gros comme ça ?

L’équipe culturelle

Le soutien culturel est le fait d’avoir un coup de cœur pour qui équipe qui synthétise quelques uns de vos goûts personnels. « J’adore la musique cubaine, je vais supporter le Honduras » ou « Ca me rappelle mes cours d’espagnol, vive le Brésil ! »

L’expérience experte.

Le connaisseur sait reconnaitre le bon jeu derrière l’affiche modeste, il n’est pas impressionné par le bling-bling. Il dit du bien de Valenciennes en octobre-novembre, de Lorient, un club toujours très méritant. Quel que soit l’affiche, il  sait toujours dès le départ dégager les grandes lignes de l’architecture proposée.
Les sud-américains font du beau jeu. C’est le continent des brésiliens, des argentins, des mexicains [je sais que c’est l’Amérique Centrale, là, je fais une blague, vous êtes tendus ce soir dites donc]. Sortir l’expression « jougua boniteau ». Les Anglais savent bien centrer. Les Allemands ont un grand mental. Les coréens peuvent créer la surprise.

Quand on ne connait pas, dire que les équipes sont très solidaires, qu’ils jouent tous derrière avec un jeu rugueux, qu’ils font de l’antijeu. L’antijeu et la défense sont des choses dommage pour la France, par exemple, il faut vilipender ces équipes qui défendent trop bien et empêchent avec méchanceté les bleus de mettre leur jeu en place.

Un dernier truc : si les joueurs sont grands : louer le jeu de tête. S’ils sont petits : dites qu’ils jouent au sol à une touche de balle. Exemple : « hier j’ai vu jouer les pygmées, c’est dingue, ils jouent super au sol, limite ils sont presque à creuser des tunnels pour jouer dessous la terre ».

Pat

17 commentaires:

lucia mel a dit…

alors là, je le trouve indispensable ce manuel !!! à savourer...

Balmeyer a dit…

Oui, et de la motivation il en faudra, parce que vu la performance des bleus ce soir (perdu 1-0 contre la Chine), va falloir puiser loin dans les ressources ! :) Merci pour ta lecture...

Anonyme a dit…

Il y a 2 façons d'analyser les résultats de cette préparation de l'Equipe de France, aux résultats négatifs et à première vue inquiétante.
Mais qu'en est-il à deuxième vue ? Il y a 2 façons de voir.
La première. Imaginons que la France ait tout ravagée sur son passage. 3 victoires, un goal-average d'enfer, une débauche d'énergie (et déjà 3 bléssés). Cela aurait eu pour conséquence que la France apparaisse comme une des équipes favorites de la compétition. La méfiance et l'agressivité de nos adversaires auraient été décuplées. Nos joueurs auraient pris la grosse tête et fait preuve de suffisance. Les médias auraient créé d'éventuels faux espoirs.
Les vendeurs de télé auraient fait du chiffre, les coréens et les japonais auraient exporté en France à tour de bras et notre balance commerciale aurait encore morflé.
La deuxième. La France a caché son jeu, n'a dévoilé aucune astuce tactique particulière, n'a révélé aucun joueur.
Dans de nombreux pays, un nouveau mot est apparu : désormais on dit un "govou" pour désigner un gros nul. Seul Ribéry qui n'a rien compris à ce stratagème a joué sur sa véritable valeur. Bref, nos adversaires n'ont rien appris et vont peut-être conclure que nous sommes décidément les bons à rien décrits par la presse à grands renforts de négativité comme depuis hier soir. Un point positif, notre déficit commercial en produits électroniques est resté intact.
Sauf que…le pire n'est jamais sûr !

Duga

Carine a dit…

"Quand les Italiens éliminent les français, ce sont des enculés, quand les Sénégalais gagnent en 2002 au premier match, on va « les suivre jusqu’au bout et être leurs premiers supporters ».
Cherchez l'anomalie.

Ugo a dit…

Et l'approche par la pré-nostalgie ?

"Je vais regarder tous les matchs, et enregistrer ceux qui se jouent en même temps. Comme ça, le jour où un obsédé mettra un match entier sur son blog, et ben ça me rendra tout chose, parce que ça me rapellera l'été 2010"

Ah l'été 2010... et cette coupe du monde... J'avais eu 20 ans, qu'est-ce que ça aura été bien. Qu'est-ce qu'on avait aura rit et mangera comme pastèque.

Dorham a dit…

Duga,

Pas d'accord sur Ribéry. C'est un bon joueur pas de doute, mais très surcôté à mon avis. Les deux matchs de préparation que j'ai vus, contre le Costa Rica et la Tunisie ont démontré que Ribery aspirait le ballon et avait tendance à ne le rendre à personne.

Ce n'est pas l'équipe qui est déséquilibrée mais lui qui la déséquilibre. Par ailleurs, ces débordements incessants et trop prévisibles empêchent l'équipe de jouer dans la profondeur. Alors, Ribery, ne joue pas avec Gourcuff qui est le seul joueur assez bon passeur pour joueur un jeu plus direct, il ne joue pas avec Anleka, qui donc, pour toucher des ballons décroche et ne se recentre même pas quand c'est le cas : c'est pourtant de la tactique de base...

Ribery est un con.

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Carine,

pas d'anomalie, Pat se souvient que la francophonie n'est pas un concept creux. Il a un sens, pour les africains, comme pour les français. Les italiens, eux sont des rivaux historiques. Comme les anglais, ou les espagnols. Entre autres.

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Ugo,

attention à l'abus de pastèque quand même. Je dis ça surtout si vous n'êtes pas célibataire.

(je réponds pour Pat qui a passé la nuit en boite hier ; ça ne lui ressemble pas, mais la femme à Larios était de passage)

Dorham a dit…

Je clique...

Balmeyer a dit…

Oui, je pointe aussi une dureté un peu abusée contre les italiens ! :) et dans ma satire, je n'ai pas dit qu'accessoirement beaucoup d'africains jouent en ligue 1 ce qui explique des liens... On y reviendra.

Dorham a dit…

C'est rien, c'est juste que Carine est en manque de conflit de civilisations... ça va passer.

Carine a dit…

"Les italiens, eux sont des rivaux historiques. Comme les anglais, ou les espagnols. Entre autres."
Sans doute, en foot comme dans l'Histoire.
Mais pardonnez-moi, francophonie ou non, foot ou non, rien ne pourra m'empêcher de me sentir plus proche d'un Italien, Anglais, Allemand, Espagnol ou autre Européen, que d'un Sénégalais, fût-il francophone et dirigé par un coach français. Et même si ce Sénégalais est sympa et s'il est mon pote (contrairement à l'Italien caustique et blessant), ce qui est parfaitement possible.

Mais je ne suis pas normale, faut que je consulte.
Et ici, vous êtes chez vous, donc allez-y, moquez-vous de moi.

Ugo a dit…

C'est rigolo, j'étais aussi en manque de conflit de civilisations il y a un moment. Aujourd'hui ça va mieux mais, secrétement, j'espère encore un petit Iran-Israël.

Dorham a dit…

Carine...

Carine, Carine. Je ne me moque pas, arrêtez de faire votre St Sébastien.

Que vous vous sentiez plus proche d'un allemand ou d'un anglais, je le conçois, pourquoi pas d'un finnois ?, mais ce n'est pas le cas de la majorité des français. Voilà tout. Rien ne vous donne le droit, à vous qui êtes en minorité, de considérer tous les autres comme des "anomalies".

En football, comme dans la vie, les affinités électives ou non, ne tiennent pas compte des mythes politiciens (telle la fameuse amitié franco-allemande qui n'existe que dans les poignées de main de chef d'état).

En football, comme lorsque l'on compare les évolutions historiques, on constate par exemple très vite que les différences entre les français et les italiens sont absolument abyssales. Impossibles à concilier. Par exemple, le français est républicain et a une très haute conception de l'état. L'Italien se fout de l'état et est régionaliste au possible. Le français est joueur. L'Italien fait primer l'efficacité sur tout. Allez donc lui dire à l'italien qu'il doit se sentir proche d'un français. Partagez donc votre Napoléon avec un italien, vous allez être bien reçue.

Pour se sentir "proche" de quelqu'un, il faut nécessairement avoir des convergences de vue, or, entre le français et l'italien, il n'y en a quasiment aucune. Les contentieux sont trop importants. Je ne le sais que trop bien, né d'une famille exclusivement italienne, je suis toutefois français grâce au droit du sol. Et je vis en france of course. Je ne regrette d'ailleurs pas cette émigration bénie.

Voilà pourquoi un français fraternisera plus facilement avec un sénégalais. Un italien, plus facilement avec un argentin. Un anglais, plus facilement...avec un autre anglais.

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Ugo,

Peut-être aurons-nous le droit à un Corée du sud-Etats-Unis. ça en jetterait pas, ça ?

Anonyme a dit…

C'est sûr que le QI de Ribéry ne doit pas atteindre les sommets. Je le vois plutôt comme le lapin Duracell. Suffit qu'on lui mette des piles neuves avant le match et il se met a dépenser l'énergie qu'il détient.
Et quand je parle de lapin...
A sa décharge, si j'ose dire, il faut peut être lui accorder le crédit de vouloir donner un élan, une dynamique à une Equipe de France qui en manque singulièrement. Comme personne ne bouge autour de lui, il persiste dans ses courses aussi vaines qu'éperdues.
Et puisqu'on parle d'énergie, faut pas oublier que l'acronyme d'Equipe de France, c'est EDF. Mais ya quelques centrales en panne...

Duga

Dorham a dit…

Du moment qu'il n'y a pas de fissure dans le réacteur, ça m'ira très bien...

Anonyme a dit…

je proteste, non seulement le Mexique n'appartient pas à l'Amsud, mais encore moins à l'Amérique centrale, le Mexique est considéré appartenir à l'Amérique du Nord comme le montre son appartenance à l'ALENA Accord de libre échange nord-américain.

Balmeyer a dit…

Je m'aplatis d'excuses...

Dorham a dit…

J'avais même pas relevé, mais quel ignare ce Pat, et dire que je tiens un blog avec ce nave (oui, avec un "v")

Bon, en même temps, l'Amérique Central, c'est seulement une histoire de tuyauterie...