mercredi 26 mai 2010

La Corée du nord peut-elle être championne du monde ?


C’est en tout cas une question que l’on peut légitimement se poser. La Corée du Nord, c’est de notoriété publique, a les meilleures armes en attaque ; elle a donc ses chances. Ce ne sera là que sa deuxième participation en 19 éditions de phase finale de Coupe du Monde, c'est peu. Certes, mais c'est mieux que rien - et rien, c'est justement le score réalisé par la majorité des nations.

La première participation de la Corée du Nord à une phase finale de coupe du monde remonte à celle de 1966 qui se joua at home, sur sol anglais. Elle la doit en fait à la campagne de qualification la plus miteuse de l'Histoire*. La faute à la Fédération Internationale de Football (FIFA) qui avait à l'époque une conception toute particulière de l'équité sportive. 14 places étaient à offrir pour l'épreuve aux équipes du monde entier, elles furent équitablement distribuées comme suit : 9 pour l’Europe (10 avec l’Angleterre, pays organisateur et qualifié d’office), 3 pour l’Amérique du Sud (4 en comptant le Brésil, alors champion du monde en titre et également qualifié d’office), une pour l’Amérique du Nord. La dernière place étant généreusement réservée au vainqueur d’un tournoi réunissant les pays d'Afrique, d’Asie et d’Océanie. Rien de moins.

Cette décision politique ne fut pas sans effet puisque - pour commencer - les pays africains refusèrent de participer à ce grand jeu de massacre. Ce fut ensuite la Corée du Sud qui déclina l’invitation, refusant d’affronter sur gazon son homologue rouge sang du nord. Ce fut enfin l’Afrique du Sud qui fut suspendue par la FIFA à cause de sa politique d’apartheid - tant d'hypocrisie laisse rêveur.

Tout ne se joua donc que sur deux matchs, entre 2 équipes seulement, la Corée du Nord et l’Australie, qui réprésentèrent à l'occasion pas moins de 3 continents. Les australiens furent désignés vainqueurs certains par les médias du monde entier avant même la rencontre, mais ils sortirent défaits sans la manière et firent honneur à leur réputation de l’équipe de football la plus piteuse du monde entier. Les nord-coréens, grâce à une discipline quasi-militaire étrillèrent aisément les Aussies, 6 à 1 au match aller, 3 à 1 au retour, soit l’équivalent d’un Dwitt tchagui (뒤차기)** particulièrement bien senti dans les roustons du monde en général et de la FIFA en particulier.

Sur le sol anglais, l’équipe nord-coréenne ne désarma pas et fit honneur à sa qualification bizarroïde. Elle se fit certes démantibuler par l’URSS de l’époque, 3 à 0 – sans doute un prêté pour un rendu – mais elle partagea ensuite le nul avec la sélection chilienne 1 à 1. Elle réussit surtout l’exploit (l'un des plus retentissants de l'Histoire de la Coupe du Monde) de battre l’Italie, 1 à 0, en serrant les boulons de sa défense, de son milieu et de son attaque. De retour au pays, les joueurs italiens manquèrent subir le même sort que leur ancien dictateur ventripotent, mais ils s'extirpèrent de la cohue populaire aussi honteux que vivants - qui se souvient encore de leur nom ? L’épopée nord-coréenne prit fin en quart de finale, contre le Portugal. Après avoir mené 3 buts à zéro, ils finirent par plier et rompre sous les assauts d’Eusebio, joueur d’exception, qui marqua quatre buts. José Augusto clôtura la marque et la Corée du Nord perdit le match 5 buts à 3. Avec davantage que les honneurs.

Plus de quarante ans plus tard, revoilà donc la selection rouge foncée. Elle affrontera le 15 juin la sélection brésilienne. Elle retrouvera ensuite le Portugal, vieille connaissance. Elle rencontrera enfin la Cote d’Ivoire. C'est ce qu'on appelle un copieux retour aux affaires. Nous activons séance tenante nos compteurs Geiger et nous empressons de nous planquer sous les tables.




* Hélas, tous les pays du monde ne peuvent participer à la Coupe du Monde sinon la compétition durerait plusieurs années (et ce blog ne tiendrait pas la route). Il est donc d’usage d’organiser des épreuves qualificatives en amont de la compétition. Pendant un temps, 16 équipes étaient à élire, puis 24, et aujourd’hui 32 concourent pour être retenues, cette formule assurant une meilleure représentativité des continents – voilà pour la langue de bois.

** Pour qui est amateur de taekwondo.



Harald

9 commentaires:

Balmeyer a dit…

Excellent ! Tu sais qu'il y a un concours débile pour doter chaque équipe d'une devise, d'un slogan (de mémoire, enfin, dans le genre : "La victoire tous ensemble pour le rêve" ou "en route pour le jeu d'un rêve victorieux").

Et bien c'est pour toutes les équipes, sauf la Corée du Nord : le slogan est à la charge de "ressources internes" selon un communiqué mystérieux...

Nicolas Jégou a dit…

Ah ! Enfin un blog pédagogique (ceci dit sincèrement, les blogs foot ayant tendance à me gonfler : ici, au moins, j'apprends).

Dorham a dit…

Nicolas,

Ah mais moi ça me va d'être pédagogique et je savoure tout particulièrement ce commentaire...

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Bal,

c'est quoi ce concours ? Qui l'organise ?

Balmeyer a dit…

C'est la FIFA qui organise ça...

voir ici...

les slogans des bleus :

"Croire en son étoile"
et "Tous ensembles vers un nouveau rêve en bleu"


hum... :)

Chr. Borhen a dit…

Comment prendre de la hauteur même au ras du gazon... Félicitations !

Anonyme a dit…

Faut pas oublier que la Squadra azzura a joué à 10 contre la Corée suite à la blessure du bolognais Bulgarelli. A l'époque, on ne remplaçait pas les blessés.
Bulgarelli est décédé il y a quelques mois.

Duga

Dorham a dit…

Merci Christophe...

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Et Merci de ta précision Duga. A 10, c'est vrai, mais bon, le mouvement en 1966 n'était pas celui d'aujourd'hui, jouer à 10 présentait à la fois plus de risques en défense et moins de déficit en attaque. Cela les a désorganisés sans aucun doute.

Et puis dans la poule, l'Italie a aussi pris 1 à 0 contre l'URSS, à 11 il me semble. Seul le Chili a été battu par la Squadra... Mais, tu sais, moi j'ai plutôt un faible pour les losers, alors... (à part l'équipe d'Australie, on l'aura compris)

lucia mel a dit…

Eusébio, un dieu au Portugal... Il paraît que les Coréens vont faire un mur de 11 contre les Portugais, et que c'est justement là leur point faible...

Dorham a dit…

Le point faible de l'équipe du Portugal...et bien, il y en a en fait plusieurs. Celui qui est récurrent, c'est leurs difficultés à mettre en place un véritable esprit collectif.