mardi 13 juillet 2010
Et voilà, c'est fini...
lundi 12 juillet 2010
Naranjito contre les Oranje
Les Hollandais font ce qu'ils peuvent, du mal, mais bien. Ils savent qu'ils ne gagneront pas dans le football, et tentent l'anti-football, ils font déjouer leurs adroits adversaires et répandent le scandale, l'agression caractérisée. Ils veulent que les rouges s'énervent et perdent leur sang froid, froissent de rage le plan impeccable de leur radieuse architecture, et répondent du tac au tac. La tactique dites des « onze salopards » a failli marcher. A la fin du temps réglementaire, le match est toujours nul. On s'achemine laborieusement vers une séance de tirs au but, là où les Oranje peuvent réussir la filouterie de gagner. Au passage, Robben rate deux face à face avec Casillas, la gardien espagnol, qui évite du bout du doigt le hold-up inconvenant.
Mais comme de bien entendu, si les Hollandais sont bons, les Espagnols vont être très bons : ils ne vont pas paniquer. On imagine les consignes : ne pas tomber dans le panneau. Garder le cap, premiers de la classe, concentrés sur l'objectif, ne pas prêter attention aux lunettes qui voltigent à cause des baffes qui pleuvent. On a pu dire que les espagnols étaient trop fragiles, trop techniques, qu'ils s'écrouleraient dans une vraie compétition rugueuse, il n'en est rien.
dimanche 11 juillet 2010
L'ombre et la lumière 4 / 4
mercredi 7 juillet 2010
L'ombre et la lumière - 3/4

Les anglais n’étaient pas beaux à voir, c’est certain, malgré Glenn Hoddle, malgré Trevor Steven. Les argentins semblaient un peu plus empruntés que d’habitude. Le jeu semblait enlisé. En sommeil. Englué dans une sorte de torpeur visqueuse. Je me souviens d’un coup franc argentin qui y était presque. Deux doigts à coté. Je me souviens d’un coup de coude que Maradona reçut en plein visage. Pile dedans. Les anglais se démenaient pour serrer le jeu. Les coups francs se multipliaient comme des petits pains aux abords de la surface. Maradona les soignait, les ballons rasaient les montants, des rumeurs venimeuses glissaient des tribunes.
Tout est en quelque sorte occulté par cette action de la cinquante-et-unième minute. Rien n’existe avant cet instant... A la première mi-temps, crispante, agressive, a succédé la deuxième qui a repris sur un étrange rythme lymphatique. L’opposition semble déséquilibrée et pourtant, ça tient pour les anglais, qui se cramponnent, ahanent, plient sans rompre. Grace à quelques coups vicieux, par ci par là. Des coups de casseurs, de laids, de petits. Avant la 51ème, rien. A la 51ème, tout, soudainement. Comme lorsqu'un rouage en enclenche un autre, qui en enclenche un autre, et un autre encore. Maradona efface plusieurs joueurs, à une vitesse folle. Que verrait-on si l’on voyait par ses yeux ? De la bouillie de milieux anglais. Des milieux anglais transformés en piquets d'entrainement. Maradona est comme le vent. Insaisissable et renversant. C'est grandiloquent ? Je fais ce que je veux. 51ème minute ! Maradona commmande un une-deux à Valdano, serveur-pour-dâme bas de gamme. Le une-deux échoue, parce que la remise de Valdano n’est pas assez précise. Au lieu de retoucher simplement le ballon, l'attaquant argentin se prend pour un autre et effectue une sorte de rotation bizarre, une geste impossible, sans intelligence, comme si son corps commandait à son cerveau et non l'inverse, comme si l'encéphalogramme de son jeu était plat. Le défenseur anglais qui lui colle à l'élastique du short tente de stopper le mouvement mais son intervention fait valser le ballon dans les airs, en direction de Shilton, le vieux gardien anglais, qui mesure un mètre quatre-vingt-trois d'une lourdeur toute britannique. Shilton ! Les gardiens anglais ! La grosse marrade... Le voilà - Peter - qui déploie sa carcasse de pénitent. Course pataude, détente miteuse de pachyderme ringard à retardement, on croirait un lord idiot qui fait la chasse aux papillons tropicaux dans une serre guindée du Yorkshire. After-eight-Shilton approche de la balle en suspension, tandis que vient à sa rencontre le petit frisé Bueno-aérien d’un mètre 65. Un shilling sur le court-sur-pattes ! Cela se joue à quelques micro-poussières de secondes. Avant que le portier anglais ne boxe le ballon, Maradona le propulse dans le but. De la main. Faute lourde. Des deux cotés à mon avis.
Main. Tout le monde l’a vu. Le but est inscrit de la main. Tout le stade l'a vu. Le but n'est pas valable. Les commentateurs, après avoir visionné le ralenti, s’étouffent en rêvant d’un rétablissement immédiat de la Justice Sportive par le Roi Salomon. Coupons le ballon en deux. Mais rien n’y fait. Comment a-t-il fait cet arbitre pour ne rien voir ? Est-il myope ? Fou ? Incompétent ? Personne n’ose prononcer le mot qui affleure sur toutes les lèvres : corrompu ? Il est en tout cas livide, il interroge le néant du regard, le dos de Maradona qui va faire la feria au bord de la touche.
Main, Faute Lourde retenue dans les manuels d'Histoire des supermoraux. C’est ainsi que Diego Maradona fait basculer sa vie dans la légende du football. De la main. C’est une main étrange en fait, moins une main qu'un prolongement de l’esprit. Ce n’est pas une tricherie. C’est bien mieux que cela, c’est une transgression. Une magnifique transgression. Je me souviens de la réaction de ma sœur, tiens ! Elle n’était pas anglaise, ma sœur, que venait-elle donc la ramener ? Rien. Elle était ulcérée. Comme tout le monde, comme la terre entière. Maradona, qui ne lui inspirait absolument rien trente secondes plus tôt, était devenu en quelques secondes la pire des saloperies. Une ordure, un boulimique trop frisé. Une pute arrogante. Un truqueur amoral. C’est ce que je veux dire lorsque j’affirme qu’il s’agissait moins d’une tricherie que d’une transgression. C’était une transgression parce que le geste était consciente, serait revendiquée. Etre victorieux de l’Angleterre via une partie de dès pipés, c’était la revanche magnifique que Maradona offrait à son peuple entier. La petite Argentine humiliée par la Grande Angleterre ? La raclée des Malouines ? Aux oubliettes. Dieu, de sa main, selon Maradona rétablissait un semblant d’équilibre. Cette main était une transgression et Maradona la transforma en message. Les anglais ne subissaient pas seulement une défaite, il subissait (enfin) une injustice. C'est ce que voulut dire Maradona quand il prononça cette expression en conférence de presse : c'est la main de Dieu. Il ne voulut pas dire : je suis Dieu ; mais : ce n’était que justice morale.
Ce n’est pas encore fini, la bile est encore sur toutes les lèvres. Je n’ai pas encore dit un mot. Je j'ai pas prévu de tour de terrain pour l'Argentine. Ce que je vois me cloue pourtant sur le canapé du salon. Hypnotisé, j’entends les hurlements des commentateurs qui piquent des suées. Le jeu a repris après une éternité beuglante. A Liverpool, Londres, Manchester, Bristol, dans toute l'Angleterre, on a perdu un morceau de soi, on s'est étouffé avec son toast au cheddar. Les onze anglais sur le terrain, et ceux du banc, et ceux du stade ont vociféré contre l’arbitre, beuglé tant et plus. Le but a été validé. 1 à 0. Les anglais n'y sont plus, ils ont l’âme ailleurs, ils ont dépensé trop d'énergie soudainement, l'injustice, ça vous vide comme si vous étiez une baignoire munie d'une bonde, les anglais sont transparents, sont spectres, ils sont paumés entre la 51ème et la 55ème minute. Dans l'autre dimension des regrets. 55ème minute, atterrissage ; retour au réel. La minute pendant laquelle je suis devenu argentin.
mardi 6 juillet 2010
Demi-Finales, pronostics
Les jours prochains vont être mouvementés pour les tenanciers de ce blog. Pour Harald, je n'ai pas trop compris, mais je crois qu'il va dans un endroit non civilisé, histoire de se ressourcer au niveau de sa non-civilité, parce que depuis qu'il a quitté le Virage Auteuil, il s'assagit du genoux. Quant à moi, je déménage, carrément, à savoir que je plante des clous dans des vitres avant de réaliser que ce n'est pas comme ça qu'il faut faire, c'est pour cette raison qu'elles cassent. En attendant notre retour (pour ma part mercredi matin), au lieu d'un résultat, je vous programme mes pronostics pour les demi-finales.
Mardi 6 juillet
Uruguay - Pays-Bas
Pour ce match entre le seul pays sud-américain restant, après la déroute de l'Argentine et du Brésil, je vois bien les poètes disparus bataves passer. L'Uruguay, emmené par un Diego Forlan qui joue, lui, son rôle de joueur vedette-locomotive, risque de voir son jeu sapé méthodiquement par les Hollandais violents. Je n'ai rien contre les Hollandais, mais le jeu de mot était tentant. Score annoncé : 2 - 1 en faveur des Pays-Bas.
Scénario probable : Van Bommel va pour mettre quelques coups de pieds dans le ventre de Forlan, puis il tombe et obtient un pénalty. L'Uruguay marque six buts, tous refusés. Les joueurs de la Céleste jouent à six gardiens dans les cages, et finissent la rencontre à cinq joueurs.
Mercredi 7 juillet
Allemagne - Espagne
Les Espagnols, au jeu hyper léché, superbement élaboré, sont bien en place, ils jouent à une touche de balle, de manière fluide, construisent, font des talonnades, récupèrent parfaitement, débordent admirablement, éblouissent par leur technique et leur sens du placement. Ils perdent 4 -0.
Voilà l'occasion de rappeler la célèbre phrase de Gary Lineker, joueur anglais. Je voulais la caser, après Allemagne / Angleterre, et Allemagne / Argentine, mais je n'ai pu, faute de temps.
Voici comment il définit le football : "C'est un sport qui se joue à 11 contre 11, et l’Allemagne gagne à la fin"
Je n'ai pu caser cette phrase, mais vous remarquerez qu'avec l'Allemagne, il n'est jamais trop tard.
lundi 5 juillet 2010
1 / 4 - Les allemands, les espagnols, les arbitres et la malfaisance de la vidéo
samedi 3 juillet 2010
L'ombre et la lumière 2/4

Je me souviens avec amusement que j’avais un ami, Mehdi, qui détestait absolument Maradona. Un peu comme il aurait dû détester Harald Schumacher. Je me souviens que je l’écoutais d’une oreille distraite quand il déblatérait interminablement sur le sujet. De quoi il parle ?, me demandais-je alors, il est complètement fou. Mehdi l'était un peu, c'est vrai, mais du haut de ses onze ans, il haïssait Maradona par téléguidage parce que les médias italiens s'étaient complus pendant quelques mois à orchestrer une sorte de rivalité entre lui et Michel Platini. Et aussi parce que la presse française avait bêtement suivi le mouvement. En apparence, il est vrai, tout opposait les deux meneurs de jeu. Platini était lisse et posé, politique déjà. Maradona était volcanique et imprévisible, rétif à toute forme d'autorité. Platini jouait à la Juventus de Turin, le seul club d'Italie qui parvenait à dépasser les antagonismes régionaux (ce qui est encore vrai aujourd’hui), le club de la famille Agnelli, propriétaire historique de la FIAT. Maradona jouait à Naples-du-sud, le club porte-drapeau de la ville la plus pauvre et détestée du Nord, un club de péquenauds superstitieux qui était fourni en fraiche par la Camorra. Le Yin et le Yang de la botte si vous préférez. Moi, j’avais onze ans, comme Mehdi, la Camorra je ne savais pas ce que c’était et la rivalité nord-sud, je n’en entendais vaguement parler que lorsque ma grand-mère d'origine vénitienne prétendait que tout ce qui se situait en dessous de Rome appartenait aux singes (cela comprenait en bonus la Sardaigne dont était originaire ma mère, que l’on disait phénicienne, avec un soupçon d'ironie mal dissimulé dans la voix).
Nous étions le 22 juin 1986. Revenons à Argentine / Angleterre et oublions ce jeune Mehdi qui ne comprit jamais rien - comme beaucoup d'autres - à la beauté de cette histoire d'ombre et de lumière. Qu'il me faut quand même vous narrer...
L’équipe d’Angleterre de cette année là - il me faut hélas vous en toucher un mot - pour que vous compreniez bien, c’était une équipe composée de 8 tâcherons et de 3 joueurs de foot qui pratiquait le kick and rush sans se poser aucune question. Pour ceux qui découvriraient cette effroyable tactique de jeu (qui n’en est même pas une à proprement parler), cela consistait à ignorer le milieu du terrain, à balancer de son camp de grands ballons aériens droit devant dans l’espoir de les porter le plus vite et le plus simplement possible dans la surface de réparation adverse, en espérant qu’ils tombent sur la tête d’un attaquant (souvent idiot – à force) de sa propre équipe - ou en tablant encore sur une maladresse de la défense adverse. C’était une tactique, comme on s'en doute à l'énoncé, aléatoire, qui hachait le jeu et le rendait proprement abominable à regarder, mais c’était la spécialité stéréotypée en ce temps là des équipes britanniques. L’Ecosse ou les deux équipes d’Irlande jouaient exactement de la même façon. En fait, le jeu de ces dernières nations était même encore pire que celui de l'Angleterre, je ne sais pas comment c'était possible, mais ça l'était pourtant.
L’Argentine, elle, pratiquait bien sûr un jeu plus technique, balle au sol pour commencer, à la sud-américaine, fait de passes courtes, de latences et d'accélérations subites. Quelque chose comme un tango alternant suspensions et crises d'hystéries passionnées. L’Argentine de 1986 n'était sans doute pas une immense équipe, pas la meilleure de la compétition en tout cas ; elle semblait bien moins forte que le Brésil de cette époque là qui venait pourtant de passer à la trappe, mais c'était une équipe complète et puis surtout, elle avait donné les clés de son destin à Maradona, le gamin en or (pibe de oro) dont on se demandait s’il serait jamais capable de briller en phase finale d’une coupe du monde.
En 78, on ne l’avait pas retenu, à dire vrai. Le gamin en feuilles d’or était trop frêle.
En 82, il avait vécu un véritable calvaire. Lors de chaque match, on avait utilisé la même tactique vicieuse pour court-circuiter son influence sur le jeu de l'équipe. On lui avait collé 2 défenseurs écumants chargés de le savater à chaque prise de balle. Pelé avait subi le même sort en 62, les bulgares s'en étaient donné à coeur joie et l'avaient finalement envoyé à l'infirmerie. Le corps arbitral ne protégea pas le meneur de jeu argentin en 82 comme il n'avait pas protégé le numéro 10 brésilien en 62, si bien qu'il ne fut jamais en mesure de démontrer sa valeur. L’aventure mal embouchée se termina sur une note amère. Lors d’Argentine-Brésil le gamin en plomb perdit son sang froid et asséna un coup de pied dans le bide d’un certain Batista, avant de se faire expulser. Meurtri. Humilié. Raillé. Première tâche sur une réputation qui en serait plus tard aussi constellée que la Lune ne l'est de cratères. Fiasco-Rideau pour 82.
L’épreuve de 86, Maradona s’y lança donc la bave aux lèvres et les crocs raclant le carrelage, avec le sentiment de devoir porter l’Argentine sur ses épaules. De devoir gagner l'épreuve majeure pour tout footballeur à lui seul, afin de basculer enfin du coté des légendes du jeu. Le premier match ressembla à un mauvais remake de 82. Maradona se fit démonter les tibias tout le match par des sud-coréens (1) méchants comme des teignes, mais il garda son calme et serra les dents. Maradona n’était désormais plus un gamin. Il était le patron de sa sélection.
Quant à l'or... Si Maradona était d'or, il s'agissait alors d'or brut. De pépites sales, bourbeuses et irrégulières. Pas d'or de salon en lingot pour banquier suisse. L’Argentine était en quart. Maradona dominait la compétition de la tête et des épaules. En lévitation, au sommet de son art comme on dit quand on est Michel Drucker ou Thierry Roland, Maradona venait affronter l'Angleterre, avec l'intention de la battre à lui seul, non, avec le dessein de lui faire mordre la poussière et d'inverser le sens de l'histoire. 4 ans seulement après la Guerre des Malouines (2).
(1) Ce match constitue un funeste record : le record de fautes commises sur un même joueur dans un match de coupe du monde.
(2) Ce conflit qui opposa l'Argentine et l'Angleterre créa pas mal de remous pendant la Coupe du Monde 1982. Maradona ressentit cette défaite comme l’humiliation d’un petit pays face à une grande puissance impérialiste ; ceci, en dépit du bon sens et de la vérité historique, notamment de la réalité sordide du régime argentin de l’époque.
1 / 4 - Les Pays-Bas et l'Uruguay font parler la poudre
vendredi 2 juillet 2010
Paroles de footballeurs
Certes, c'est facile de se moquer des footballeurs. Ce qu'on demande à ces grands costauds ou ces petits râblés qui crachent beaucoup dans la pelouse, l'air farouche, c'est avant tout de bien jouer au ballon. C'est un peu comme les intellectuels et les manuels, finalement : les footballeurs sont des manuels, mais des pieds.
A la fin d'un match, après quatre-vingt dix minutes à courir comme un dératé, on présente parfois un micro au footballeur. Celui-ci, essoufflé, hébété, en sueur, la langue pendante et le regard fuyant est embarrassé. Il semble aussi spirituel qu'un âne sous le ciel de Calabre. Il a sans doute choisi ce sport parce qu'il était content de s'oublier avec une balle, et de ne pas à avoir à faire de longs discours compliqués, ou réciter des fables, ou de s'embêter avec le pourquoi du comment, un crâne dans la main.
Mais il se voit tout de même prié de s'auto-commenter, de trouver une morale au match terminé, un fin mot de l'histoire. Il doit expliquer l'évidence qui vient de se jouer, aux yeux de tous, chipoter sur le score qui vient de se sceller. La victoire c'est bien, mais la défaite c'est triste, on aurait pu mieux faire si on avait fait mieux, si on avait plus gagné on aurait moins perdu. Ou bien, sur un plateau télé, le joueur se retrouve endimanché parmi des journalistes qui ont fait sciences-po et qui, pour ne pas faire de vague, posent des questions lénifiantes. Le footballeur, alors, semble tomber du ciel, s'accroche aux codes du genre comme on s'accroche aux branches, et recyclent les standards médiatiques avec des réponses de travers.
L'attitude est ambiguë parce que le footballeur parle comme un syndicaliste, mais c'est une star, et à ce titre il a toujours quelque chose de pertinent ou d'important à dire. On l'écoute. A l'instar de Loanna, Stéphanie de Monaco ou Bob le grand frère jardinier de la nouvelle gloire, leurs états d'âme et leurs sentiments forment les péplums des temps modernes. Les journalistes, l'air totalement dévoué, doivent un peu se moquer par derrière des fautes de français, du manque d'imagination des acteurs principaux, alors qu'eux ont fait science-po et qu'ils savent bien manier les synonymes de pays pour éviter les répétitions : Outre-Quiévrain, Outre-Manche, Outre-Rhin.
Mais les footballeurs ne sont pas tous égaux dans l'expression. Certains s'en tirent remarquablement bien : c'est un plaisir d'écouter un Christophe Dugarry, ou un Eric Di Mecco parler de leur sport, il y a quelque chose de pétillant dans leur discours, ils sont intelligents. On dirait un peu ces artisans qui vous décrivent leur art avec une obsession gourmande et maniaque, et tout d'un coup, rempailler des chaises ou tailler la vigne parait la chose la plus intéressante au monde. Ils parlent du timide et de la grande gueule, du prétentieux qui se croit arrivé ou du buteur dont le doute abyssal n'a rien de cartésien, de la mélancolie de perdre sa place de titulaire, d'être écarté du groupe, de s'entrainer tout seul, ou d'être un vieux même jeune, de la retraite à trente-cinq ans, de la formidable envie de dégueuler avant un match à cause du trac, d'être et d'avoir été, et l'espoir toujours vivace d'être à nouveau, encore.
la victoire en chantant # 5 Les black stars
A 20 heures, ce soir, le Ghana affrontera l'Uruguay pour une place en demi-finale. Si les Black Stars l'emportent (ce que j'espère, question d'affinités musicales), ils seront les premiers africains à parvenir à ce niveau. Les derniers à avoir frolé l'exploit, ce sont les camerounais de Roger Milla (vous vous rappelez, le mec qui dansait après chaque but au poteau de corner et qui aujourd'hui fait une pub pour Coca-Loca ? (vous avez vu comment je viens de feinter, là ?)) qui, en 1990, ont buté sur l'Angleterre autant que sur un arbitrage défaillant.
On espére que les sifllets seront plus justes ce soir. On est en Afrique, ça devrait aider. [Bon, en même temps, je ne suis pas bien sûr de suivre la rencontre, parce que je subodore que ça va être chiant comme la mort ; et puis, il fait si chaud]
Harald
jeudi 1 juillet 2010
La victoire en chantant # 4 L'Albiceleste vs la Mannschaft

La victoire en chantant # 3 - La Céleste

Il y a en effet une histoire entre ces deux sélections, une histoire terrible, funeste, qui a brisé le destin d’un homme et remonte à la Coupe du Monde 1950 (1). Le 16 juillet de cette année là, le match qui allait déterminer le vainqueur de la compétition opposait la Céleste au Brésil, pays organisateur. Le Maracaña (2) de Rio de Janeiro était comble : 174 000 spectateurs assistaient à la grand messe. Le Brésil, archi-favori n’avait besoin que d’un match nul pour obtenir le droit de brandir le trophée.
Pourtant, contre toute attente, la sélection auriverde perdit ce match dans ses tous derniers instants, sur un but de l’uruguayen Ghiggia, qui trompa le portier brésilien de l’époque, Moacyr Barbosa d’un tir rasant. Cette défaite fut vécue comme un traumatisme national et la vie de Barbosa fut brisée à jamais.
Barbosa ne quitta pas sa petite commune de Campinas dans un premier temps. Bon gré mal gré, il continua d’y affronter le regard noir et distant de ses compatriotes. Un soir de 1963, il organisa une soirée et invita quelques voisins. Ensemble, ils trinquèrent, chantèrent de vieilles chansons, allumèrent un feu de joie avec les trois montants de l’en-but maudit du Maracaña de 1950. Cette tentative d’exorcisme fut hélas un échec.
Une dizaine d’années plus tard, faisant ses courses, Barbosa croisa une mère et son fils. La mère pointa son index dans sa direction, tandis qu’il flânait dans les allées du marché. Il l’entendit dire à l’enfant : « tu vois cet homme ? Il a plongé le Brésil en entier dans la tristesse ».
En 1993, soit plus de 40 ans après ce maudit après-midi, alors que la télévision brésilienne le conviait à la préparation de la Seleção pour la Coupe du Monde qui devait se dérouler l’année suivante aux Etats-Unis, un officiel de la Fédération vit rouge, lui barra le chemin et exigea qu’on renvoie le porte-poisse manu militari du camp d’entrainement. Moacyr Barbosa resta toute sa vie ce chat noir que personne ne voulait voir ou toucher. Que tous haïssaient.
Peut-être revoyait-il chaque nuit la dernière scène de sa véritable existence, qui lui avait glissé inexorablement entre les mains. Cette mauviette efflanquée de Ghiggia détalait à droite, comme un fou, poussant le ballon sans conscience, sans doute à moitié déshydratée sous cette chaleur de plomb. Il se revoyait anticiper le centre tandis que le joueur uruguayen adressait une frappe rasante au plus près du poteau et inscrivait le but de la victoire. Les joueurs de la Céleste, éreintés, ahanant, triomphaient alors sur la pelouse au milieu d’un peuple en larmes. Il entendait à nouveau ce silence de mort qui régnait dans toute l’enceinte, à vous glacer d’effroi ; la fête devenir un enterrement. Le corps droit, allongé, Barbosa restait le nez planté dans le gazon, prostré, ne pouvant y croire, puis il s’obligeait à contempler l’étendue du désastre. Le sien, à lui seul. Il relevait son visage et apercevait le ballon mort au fond de ses propres filets. Comme une parabole pour illustrer son destin pathétique.
Moacyr Barbosa est décédé le 8 juillet 2000 à Santos. Cette chanson du chanteur uruguayen Alfredo Zitarossa, intitulée Doña Soledad lui est en partie dédiée.
mercredi 30 juin 2010
La victoire en chantant # 2 - Les "auriverdes"

Le Brésil, notoirement, c’est la samba do Brasil, les filles toutes nues qui ne savent même pas qu’elles le sont, c’est l’incapacité de dire si c’est le string ou simplement le maillot qui est brésilien et ce qui distingue éventuellement l’un de l’autre. C’est cette espèce de montagne bizarroïde qui sort de l’océan à Rio de Janeiro, cette formidable érection naturelle qui fait peur aux donzelles qui s’effarouchent d’un rien et envie à celles qui n’ont pas froid aux yeux.
Le Brésil, c’est le Football Champagne, enfin, vu qu’on ne plaisante pas avec l’appellation, c’est le Football Mousseux, des gestes techniques époustouflants, des entrainements ouverts au public pendant lesquels on sourit de toutes ses dents, on jongle, on se livre à d’étonnantes facéties sucrées et pétillantes, et si pittoresques, ce sont les décrassages sur des airs de bossa au soleil couchant, de la balle au pied dans le sable et des filles nues qui ne savent même pas qu’elles le sont.
Ce sont 5 titres de champion du monde qui vous contemplent. Pelé, Raï, Romario, Garrincha sa patte folle, Zico, Socrates et Vava.
Mais il y a quelque chose de pourri au Royaume où les filles sont nues sans le savoir. Dunga le sélectionneur auriverde, a une gueule de militaire et une philosophie de rabat-joie. Dunga nique l’ambiance, organise des entrainements à huis clos, menace des journalistes de sévices physiques en conférence de presse et pour couronner le tout, fait jouer ses onze brésiliens comme onze allemands.
Il y a comme une atmosphère de trahison, de déchéance, d’amour et de passion qui a de quoi vous tenir en haleine jusqu'à la nuit des temps. Quelque chose me dit toutefois que le type aux cheveux en brosse qui conduit la Seleção a intérêt à la ramener à la maison cette coupe du monde. Ça passe par les Pays-Bas de Dave. Dona Beija vs. Dave, franchement, je préfère ne pas me risquer à émettre un pronostic – ce qui est certain, c'est que ça va se jouer à un cheveu.
Harald
La victoire en chantant # 1 / Les oranjes

Il ne reste plus que 8 équipes en compétition. 24 sélections sont donc déjà rentrées à la maison. 24 nations qui attendent prochainement les résultats de l’autopsie de leur défaite.
Ce soir, votre poste de télévision ne résonnera d’aucun vuvuzela, d’aucun hurlement de commentateurs survoltés. Vous allez enfin pouvoir regarder une série allemande, une rediffusion de Rio Bravo ou des films porno hongrois. Profitez-en bien, parce que le cirque recommence dans deux jours.
Moi aussi, voyez-vous, je compte en profiter. C’est pourquoi, d’ici à vendredi, j’entreprends de passer en revue – et en chansons – les 8 nations encore en compétition. Cette série commence avec les Pays-Bas qui affronteront le Brésil, le 2 juillet, à 16 heures (heure française).
Les Pays-Bas
Deux fois finaliste de la Coupe du Monde, en 1974 et en 1978, deux fois favoris et deux fois défaits par le pays hôte (l’Allemagne puis l’Argentine), la sélection orange n’a jamais remporté l’épreuve reine, mais elle est toujours citée parmi celles qui postulent à la victoire finale. Rien ne nous permet de dire qu’elle réussira là où toutes celles qui l’ont précédée ont échoué mais on se dit toutefois que les malédictions – même les meilleures – ont une fin.
Voilà donc une chanson qui est à l’image de la sélection néerlandaise (l’autre sélection du fromage). Tout en voix de tête. Un peu bling-bling. Vite passée de mode.
mardi 29 juin 2010
1/8ème - Les Ibères sont rudes
1 - 0
Villa, 63'
C'était en coupe du Monde la première rencontre entre les deux nations ibères. Et comme on peut le lire dans "Astérix en Hispanie", cet été, les ibères furent rudes. L'affiche était belle : d'un côté les Portugais, auteurs d'un glaçant 7 - 0 contre les ex-joueurs de la Corée du Nord, avec dans leur rang le joueur le plus cher du monde, Cristiano Ronaldo, et le mieux coiffé, aussi. De l'autre, les Espagnols, champions d'Europe en titre, réputés pour leur jeu brillant et fluide, grands vrais favoris à la hauteur de l'Argentine et du Brésil. Le Derby a donné un match tendu, débloqué par David Villa.
Cristiano Ronaldo est encore une fois passé à côté d'une compétition internationale, le cador du Real Madrid n'a pas brillé dans sa sélection, il y a encore du chemin avant d'atteindre la dimension d'un joueur de classe mondiale, un Maradona ou un Zidane.
J'avais prédit la qualification du Japon et du Portugal, je me suis tout planté.
Demain, mercredi, c'est enfin la relache avant les 1/4 de finale : il n'y a pas de match !
Admirez les deux passes jusqu'à Villa, c'est ça, la "touche de balle".
Programme des quarts de finale
1/8ème - Le Paraguay au bout de l'ennui
lundi 28 juin 2010
1/8ème - Le Brésil sans l'ombre d'un doute
3 - 0
Après le dimanche de l'erreur d'arbitrage, c'est le lundi du match-formalité. Sur Pays-Bas - Slovaquie, j'avoue avoir complément craqué, complètement décroché. Pays-Bas - Slovaquie, en foot, ça me semble être comme, en basket, les Los Angeles Lakers contre les Mimie Mathie Warriors, ou en rubgy, les All Blacks contre les Woody Allen Clarinette's Club. Quel Courage ce Harald d'avoir fait le compte rendu de Pays-Bas - Slovaquie, il ne lâche rien, un vrai pitt-bull, je sens qu'il va se taper le résumé de la petite finale, le 10 juillet (qui oppose les deux perdants des demi-finales, pour la troisième place). Il est motivé, Harald, je pense qu'il va faire un blog sur la Ligue 2, en 2011.
Bref, j'ai abordé Brésil - Chili, avec un enthousiasme plus que délirant. A 40 minutes, les brésiliens mènent déjà 2 - 0, les chiliens ont autant de chance de remonter au score que d'aller sur la lune avec une mobylette. L'avantage est qu'on peut déjà commencer le billet du résultat une demi-heure avant la fin, en louant le courage et la combativité des chiliens, fier peuple d'Amérique pas-du-nord, et le style plus sérieux, moins exubérant, moins brésilien des Brésiliens de Dunga.
Dans la série des matchs ouverts, demain nous avons un étonnant et incertain Paraguay - Japon à 16h00, ainsi qu'un alléchant Portugal - Espagne à 20h30. Allez hop, jouons aux pronostics. (les vainqueurs en commentaires auront droit à de la gloire à base de blog). Je donne vainqueur le Japon, et pour le second... (zut c'est dur)... entre deux favoris/outsiders qu'on voit gagner mais qui vont perdre de toute façon, je pense que le Portugal va passer face aux champions d'Europe espagnols, même si dans cinq minutes j'aurais changé d'avis...
1/8ème - Les Pays-Bas plus haut
1/8ème - L'Argentine en quart
C'est la journée de la faute d'arbitrage : après le but valable refusé lors du match Allemagne / Angleterre, l'arbitre accorde ici le premier but aux Argentins malgré une faute évidente de hors-jeu. Dans un moment d'errance rare, l'arbitre découvre sa faute sur l'écran géant du stade, va pour refuser le point, mais se ravise, et l'accorde finalement.
Si les anglais ont été privés d'égalisation lors du but refusé (le score était 2-1), le score était encore vierge lorsque les Argentins ont marqués. Anglais et Mexicains auraient-ils fait la différence sans ces deux erreurs ? On ne le saura jamais. Peut-être que ces erreurs engendreront les "Harald et James" du futur, qui sait. Paradoxalement, malgré ces erreurs, le résultat n'est pas scandaleux tant Argentins et Allemands ont surclassé leurs adversaires.